. Les articles L. 442-6 III et D. 442-3 du Code de commerce attribuent une compétence exclusive à seulement huit tribunaux de commerce en France pour statuer sur les pratiques anti-concurrentielles et la rupture brutale de relations commerciales. De la même manière la Cour d’appel de Paris est seule compétente pour statuer sur les recours formés à l’encontre des décisions de ces tribunaux spécialisés.

Pourtant, si la partie défenderesse ne soulève aucune exception d’incompétence, il est possible de saisir un tribunal qui n’est pas sur la liste de l’article D. 442-3 du Code commerce. Pire encore, la partie qui succombe à la première instance pourrait même interjeter appel devant la juridiction naturelle du tribunal, soit la Cour d’appel du ressort et non celle de Paris. 

. Le 4 décembre 2014 la Cour d’Aix-en-Provence s’est emparée de cette question de compétence qui en réalité, dans le cas d’espèce, est issue d’une erreur de saisine du tribunal de commerce.

Ainsi, la Cour précisait que si l’article L. 442-6-5 I n’était pas visé ni par le demandeur, ni par le Tribunal qui statuait, la demande qui tendait à la réparation du préjudice résultant d’une absence de préavis relevait des dispositions relatives à la rupture brutale de relation commerciale. En d’autres termes, même si l’article L. 442-6 n’était pas visé, il convenait tout de même de saisir la bonne juridiction.

La Cour a alors considéré que l’incompétence d’un tribunal de commerce n’était pas une exception qu’il convenait de soulever avant toute défense au fond mais une fin de non-recevoir, qui pouvait être relevée d’office par le juge et notamment le juge d’appel. 
Ainsi, vu l’absence de pouvoir dudit tribunal de commerce pour statuer, la Cour d’appel déclarait l’appel irrecevable… Dès lors, le jugement de première instance pourtant issu d’une juridiction incompétente passait en force de chose jugée !  L’appelant qui par hypothèse n’était pas responsable de l’erreur de saisine du tribunal était alors privé de son appel et d’un second degré de juridiction !

. Cette jurisprudence avait été validée à plusieurs reprises par la chambre commerciale de la Cour de cassation(1).

Mais dans ces hypothèses, alors même qu’un jugement avait été rendu par un tribunal de commerce incompétent, la question était de savoir s’il était tout de même possible de saisir la Cour d’appel de Paris ? Face aux difficultés la Cour de cassation a opéré un revirement dans trois arrêts du 29 mars 2017(2).

Elle précise que la jurisprudence exposée ci-dessus est « source pour les parties d’insécurité juridique quant à la détermination de la cour d’appel pouvant connaitre de leurs recours (…) » « (…) qu’elle conduit en outre au maintien de décisions rendues par des juridictions non spécialisées, les recours formés devant les autres cours d’appel que celle de Paris étant déclarés irrecevables, en l’état de cette jurisprudence ». 

La Cour de cassation opère un revirement et décide qu’il appartenait à la Cour d’appel dont l’arrêt lui était déféré, de déclarer l’appel recevable et d’examiner la recevabilité des demandes formées devant le tribunal de commerce saisi. 

. En conclusion, cette jurisprudence devrait aboutir à la constatation par la Cour d’appel saisie de l’excès de pouvoir de la juridiction du premier degré et à l’annulation du jugement. 

Ainsi le demandeur (qui avait saisi la mauvaise juridiction) pourra cette fois-ci saisir le bon tribunal. A la question « peut-on se tromper de tribunal ? » dans ce cas précis, la réponse est oui (il est même possible de se tromper de Cour d’appel).

Alexandre VASQUEZ - Avocat

  1. Cass. com.  31 mars 2015 : n°14-10.016
  1. Cass. com. 29 mars 2017 : n°15-17.659 ; n°15-24.241 et n° 15-15.470.

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